Rugby (Christophe Dominici)


Christophe Dominici est mort hier. Pour ceux qui ne connaissent pas, il était une légende du rugby français et international. Le rugby, ce "sport de brutes"... Mais même les brutes ont une âme et Christophe Dominici s'est suicidé à 48 ans. Mettre fin à ses jours est une décision qui me laisse toujours dans un certain trouble, et même si je ne suis pas un grand fan de rugby, je pense à l'être humain qui a souffert au point d'en arriver là.

Ce triste évènement lié à un sport que je respecte, m'a amené à me souvenir de mes années-collège que j'ai passées dans une ville du sud où le rugby est roi. En 4ème et 3ème, mon prof de sport était lui-même un bon joueur de club. A l'époque la pédagogie à l'école était plus proche de celle de l'armée que de celle de Montessori. Moi j'étais plutôt chétif, maladroit avec mon corps, qui ne faisait pas ce que mon cerveau aurait aimé qu'il fasse, et en plus j'avais un an d'avance, donc de ceux que les élèves classent maintenant avec mépris parmi les "intellos".

Au début ce prof me faisait vraiment peur. Il nous houspillait en voix et en gestes. J'étais conscient que je ne pouvais pas faire ce qu'il attendait de nous, et je m'en voulais. A tel point que, pour essayer de progresser, je me suis mis à faire plus de vélo (déjà !), qui avait aussi l'avantage de m'extraire momentanément d'un monde que je n'aimais pas. Et parfois le week-end, comme les Jeux Olympiques de Munich n'étaient pas loin, lors de l'immuable sortie dominicale, avec mes frères nous nous amusions à construire de très précaires sautoirs en hauteur et en longueur, avec du sable et des pierres de rivière, des branches, et à nous y entraîner avec conviction.

Petit à petit, les progrès sont venus, ce que mon redoutable prof de sport n'a pas manqué de remarquer. Loin d'être aussi obtus qu'il pouvait le laisser paraître, il savait que je faisais de mon mieux. S'il ne passait rien aux écarts des élèves, il savait dire un mot d'encouragement, donner une tape virile de félicitation sur nos frêles épaules. J'osais même lui sourire.

Si longtemps après, j'aurais aimé dire merci à cet homme qui m'a montré à sa manière qu'on peut aller chercher en soi des ressources que l'on ne soupçonne pas. J'ai fait quelques recherches et j'ai retrouvé sa trace sans peine, puisqu'il avait continué à agir dans le monde du rugby local. J'ai aussi appris qu'il est mort l'année dernière.