La mezzanine

Dans le fatras de la mezzanine en haut
je retrouve de vieux dossiers, tout un passé.
Ça ressemble un peu trop à mon cerveau.
Il y a des endroits chaotiques, inextricables,
sombres et redoutables.

Les papiers de ton divorce, ton passeport,
toutes ces feuilles entassées,
sont autant d'invitations pour les morts.
Je vois même le devis d'un déménageur...
Il fallait bien qu'on ramène ton corps, petite sœur.

Tu étais presque l’aînée et je suis le dernier,
mais si tu ne vis plus, tu ne vieillis plus.
Par chance moi j'ai continué
beaucoup plus longtemps que toi,
alors je t'appelle comme ça.

Je t'admirais quand tu dézinguais les tabous
"Quel... mais quel... NOC !",
je souriais, tu nous parlais de ton époux.
"Il ne s'en sortira pas...",
j'écoutais, tu nous parlais de Papa.

Je suis sûr qu'il t'aimait petite sœur.
Imprévisible, il pouvait être odieux, brutal,
mais si tu avais entendu ses pleurs...
Un télégramme. On ne te verrai jamais plus.
Si tu l'avais vu, anéanti, comme je l'ai vu...

Ce jour-là il a voulu que je prie pour toi,
l'unique fois où je lui ai dit "non".
Dieu n'a jamais été en moi.
Je tremblais mais j'ai désobéi,
Rien à craindre, pour lui c'était fini.

Tout s'est révélé exact
mais tu n'as pas pu le voir.
Ta voiture, un arbre, l'impact,
Ton mari qui te l'avait confisqué en fuyant,
ont barré le chemin vers ton enfant...

Je jette tout ça, pardonne-moi petite sœur,
je ne veux plus rien porter.
Je vide la mezzanine mais tu es dans mon cœur.
Je ne garde que ton souvenir,
uniquement ce que je viens d'écrire.

La mezzanine
La mezzanine - Art numérique